Tout était sans doute dans le “pour le moment”, qui, diraient les mauvais esprits, trahissait une forme de déni de réalité. Quoique, ses fidèles y ont peut-être vu la marque de son éternel optimisme : “Emmanuel, c’est le mec qui sort avec 20 centimes du casino, convaincu qu’il va se refaire”, disent souvent de lui Alexis Kohler, son ancien secrétaire général et bras droit, ou Philippe Grangeon, son ex-conseiller spécial, à qui il parle toujours régulièrement.
Le premier avait quelques doutes sur la décision de son chef, mais n’a pas cherché à l’empêcher. Le second, prévenu le jour même, lui avait fait porter un courrier dans la journée pour tenter de le dissuader.
Questions de temps
La suite du propos présidentiel de ce 31 décembre au soir ne fut pas moins révélatrice: “Si j’ai décidé de dissoudre, c’était pour vous redonner la parole, pour retrouver de la clarté et éviter l’immobilisme qui menaçait. Mais la lucidité commande de reconnaître qu’à cette heure, cette décision a apporté plus d’instabilité que de sérénité, et j’en prends toute ma part”.
Difficile de le dire plus clairement : pour le chef de l’Etat, qui, justifie-t-il, voulait avant tout “redonner la parole” aux Français, les torts sont… partagés. Après leur vote massif en faveur des extrêmes au soir du 9 juin (le RN, Reconquête et la France insoumise cumulaient 46% des voix), ces derniers – les électeurs, donc – ont conduit l’Assemblée nationale à une tripartition paralysante, et le pays tout entier dans l’inquiétude – “à cette heure” en tout cas.
“Tout le monde lui a dit qu’il fallait battre sa coulpe”, explique a posteriori l’un de ses conseillers officieux. Le président aura donc fini par concéder ce semi-mea culpa, sans conviction profonde, pour la com.
Au début de ce mois de décembre 2024, le déni du président ne concerne d’ailleurs pas que la situation politique. Sa façon d’aborder la question des finances publiques interroge aussi, alors que la presse est en boucle depuis des semaines sur l’incroyable dérapage du déficit public depuis 2023, et que l’exécutif semble pieds et mains liés. “Ce qui me frappe au moment de la négo du budget, c’est que Macron continue à penser en dynamique“, confie à POLITICO un ancien ministre, remercié depuis. Comprendre : le chef de l’Etat, qui se veut toujours “agile”, réactif, comme le rappelle l’une de ses anciennes collaboratrices – les mauvaises langues diraient qu’il ne tranche jamais qu’au pied du mur – n’a pas encore complètement intégré qu’il ne tient plus les manettes.