LE MENU DU JOUR |
— Les big boss et les ministres dressent le bilan de 24-25 et préparent la saison 25-26. C’est pas triste !
— Des idées pour le budget ? Paris Influ vous livre des recos glanées sur le terrain.
— Les Aixoises veulent prendre le pouvoir. Ou, au moins, le haut de l’affiche.
Bonjour à toutes et à tous, troisième et dernière édition spéciale de Paris Influence à Aix-en-Provence. Votre infolettre a passé le parc Jourdan au détecteur de bonnes citations pour remplir ses colonnes de réflexions tantôt inspirantes, tantôt angoissantes sur les mois passés et à venir. Bonne lecture !
Et n’oubliez pas de vous abonner… si nos trouvailles vous ont tapé dans les lunettes de soleil : on remet un digicode dès lundi.
BAROMÈTRE FAIT MAIN |
BROUILLARD PERSISTANT. Loin de s’être dissipé, le nuage d’incertitudes qui flottait sur les ReAix 2024 s’est finalement encore épaissi en 2025 ! La faute à une année politique et économique rocambolesque que beaucoup craignent de revivre. En pire. Paris Influ a donc pris le pouls des patrons, des têtes d’agence de conseil et des politiques, anciens ou toujours en poste.
L’amer à boire. “Le moins que l’on puisse dire, c’est que ça ne va pas fort”, pose Alain di Crescenzo, un paquet de notes et de chiffres à la main. Le président de CCI France épluche les données de son dernier baromètre du moral des petits patrons. Et il est en berne. La faute aux carnets de commandes semi-vides des TPE-PME — “on a produit autant de voitures en 2024 qu’en 1960 !” —, à la guerre douanière avec les Etats-Unis ou à un taux d’endettement trop élevé.
Même son de cloche chez les avocats, qui voient la vague de ralentissement ruisseler jusque dans leurs bureaux. “C’est global, c’est évident. Tous nos associés, qui pilotent chacun un secteur d’activité nous le disent”, soupire Gilles August, associé fondateur d’August Debouzy.
“C’est pas bon, on est devenu le mauvais élève, derrière l’Italie, qui au moins a un excédent primaire”, soupire une technopolitique, qui évoque un déficit français en forme d’“iroquois” depuis 40 ans : ça monte beaucoup et ça redescend peu.
Sa perception du moment ? “Les entreprises vont se détourner de plus en plus du politique, et se concentrer sur leur diversification, la conquête des marchés et le coût de l’énergie.” De fait, chacune à une flèche à décocher — ici, l’interdiction des véhicules à moteur thermique, là, les menaces de coups de rabot, ailleurs, le stop and go réglementaire et législatif.
Le théâtre du pouvoir, de plus en plus de dirigeants préfèrent s’en désintéresser. “Franchement, quand tu n’es ni une profession réglementée ni dépendant de la commande publique, à quoi elle te sert, la politique ?”, philosophe le conseiller d’un PDG du CAC 40, qui n’a pas digéré “la capitalisation qui s’effondre après la dissolution”.
Pour Matthieu Courtecuisse, parti à Washington développer Sia Partners, l’affaire est entendue : “Le seul débat qui intéresse les boîtes, c’est le sujet réglementation/déréglementation à Bruxelles, et deal ou pas deal avec les Etats-Unis sur les douanes.” Selon lui, c’est Berlin “qui a repris le contrôle, avec Merz”, alors qu’à Paris, “ça fait 40 ans qu’on débat des retraites”.
UN BUDGET, QUEL BUDGET ? Cuisinés sur scène ou autour d’un café, les ministres présents à Aix sont bien en peine de prédire quelles orientations budgétaires donnera François Bayrou le 15 juillet. A défaut d’y voir clair sur le fond, ou sur la méthode, chacun défend sa boutique…
A commencer par Sébastien Lecornu. Le ministre des Armées a souligné le caractère vertueux pour l’économie française, selon lui, des dépenses consacrées à la défense. “On achète tout en France, a-t-il martelé. C’est de l’investissement, et de l’investissement qui se fait toujours sur le sol national.” Lui ne risque guère de voir son budget être mité : la question serait plutôt de combien on peut l’augmenter.
Censurer, mais plus tard. Un autre ministre pense qu’il n’est pas si stratégique pour les oppositions de censurer sur le budget, au risque d’être à leur tour exposées juste avant la présidentielle. “Bon courage à celui qui pilotera un PLF 27 under scrutiny of l’IMF”, lâche notre interlocuteur en prenant congé de Paris Influ après un entretien à l’ombre.
Loin d’être gauche. L’ex-députée socialiste Valérie Rabault, qui gère les finances du Tarn-et-Garonne, plaide pour “ne pas raser gratis cette année”. Mais doute de la suite : “Pour mener un tel budget, il faut une force politique hors norme.” Avant de rappeler le niveau du déficit (“moins de 3%”), quand un autre François a rendu les clés du pouvoir. C’était en 2017.
EN SAVENT-ILS PLUS ? Bien malin celui qui prédira où tombera le couperet des 40 milliards d’économies, y compris parmi les visiteurs de François Bayrou. “Il est très attentif et à l’écoute, mais ne dévoile rien”, glisse la présidente de l’Afep Patricia Barbizet à propos du PM, qui l’a reçue plusieurs fois.
“On va dire qu’il procède par itération”, analyse quant à lui le boss du Medef, interrogé par Paris Influ après sa table ronde, cigarillo à la main. Selon Patrick Martin, Bayrou “est sur un champ de mines, donc il n’est pas illogique qu’il avance masqué, mais à un moment il va bien falloir qu’il abatte ses cartes.” Des cartes attendues avec “une pointe d’inquiétude”.
Face au flou, les uns temporisent… “Même si la copie budgétaire de Bayrou est mauvaise, je ne suis même pas sûr que les marchés surréagissent, jauge un patron de fonds. Au niveau mondial, les marchés se disent ‘on a survécu à tant de choses, on a vu tant de crises inimaginables, qu’on devrait s’en sortir.”
… quand d’autres parient sur le statu quo. “On le connaît, Bayrou : il ne fera rien qui puisse froisser ou pousser qui que ce soit dans la rue, donc : il ne fera rien”, lâche le conseiller de PDG précité.
Ceux qui n’y croient plus. “Avant de savoir ce qu’il y aura dans le budget, je crois que tout le monde aimerait être sûr qu’il y en aura un”, rit jaune Vincent Brenot, associé chez August Debouzy.
**Élus, chercheurs, chefs d’entreprise, institutions, journalistes… 400 intervenants débattront du choc des réalités aux Rencontres Économiques d’Aix-en-Provence, du 3 au 5 juillet. Pour ne pas être largué à la rentrée, réservez votre place ici (ou faites mine d’y être allé en suivant l’un des 70 débats en ligne depuis la plage).**
DANS LA BOÎTE À IDÉES |
RECOS AIXPRIMÉES. Faute de savoir à quoi s’en tenir, les patrons en goguette dans la cité provençale ont tout de même leur petite idée, plus ou moins précise, sur la question.
Faire une pause. “On en est à souhaiter une année blanche — à la fois injuste et qui ne reflète pas une volonté économique — c’est révélateur d’une incapacité à décider”, glisse un patron de fonds, plus inquiet par le poids des charges sociales que de celui des impôts.
“Je pense que c’est une manière intelligente de calmer la dépense, approuve Hervé Mariton, longtemps maire LR de Crest. Cela exige qu’il n’y ait aucune exception car, sans exception, la critique s’émousse, alors que si vous en avez une, l’année blanche se dégonfle.”
Un gestionnaire d’actifs, passé par le public, tente un pronostic : “Quand vous êtes dans un truc comme ça, [40 milliards], vous êtes obligés de faire des trucs qui rapportent vite tout de suite. Et si ce n’est pas du fiscal brutal, ce sont des mesures horizontales indiscriminées, comme du gel.”
Sim-pli-fier. A les entendre, une bonne part des éphémères Aixois semblent autant suffoquer sous les quarante degrés que sous la paperasse. “Le niveau de souffrance augmente face à la judiciarisation de l’économie et l’inflation législative et réglementaire”, martèle l’avocat Gilles August, qui évoque des réglementations “superfétatoires” — sans nous lister lesquelles.
C’est aussi l’une des recos d’Alain di Crescenzo : “Ça ne coûte rien et ça peut rapporter cinq points de productivité aux entreprises !” Ardent défenseur du test PME, dont votre infolettre vous a narré les mésaventures, il appelle aussi à “simplifier ou mutualiser” les agences et opérateurs de l’Etat. Un rapport sénatorial vient cependant de doucher les ambitions du gouvernement d’y trouver des milliards d’économies.
CHARITÉ MAL ORDONNÉE. Le président bénévole des Restos du cœur avait lui aussi son couvert pour une table ronde sur mesure (“Remédier à la pauvreté”). Interrogé par votre infolettre sur le risque d’une coupe dans les déductions fiscales pour les dons des particuliers (Le Parisien vient d’éventer un rapport qui le préconise), Patrice Douret n’avait guère l’air inquiet après avoir vu Bayrou, jeudi, avec une ribambelle d’assos qui gère la misère.
Le Premier ministre a-t-il fermé la porte, comme sur tant d’autres sujets ? “En tout cas, on a bien mis le pied dedans.”
AIXOISES DANS LA PLACE |
DITES “AIIIIIIX”. Peut-être avez-vous aperçu Agnès Pannier-Runacher trottiner vers le “REAIX” géant installé près du café éphémère ? La ministre de la Transition écologique est arrivée à temps pour se glisser juste à côté de sa collègue Clara Chappaz (IA et Numérique), au milieu d’une ribambelle de dirigeantes — dont Mayada Boulos (Havas), Sybille Le Maire (Bayard Presse), Elisabeth Richard (Engie), Marie-Virginie Klein (Iconic. et Willa).
Un petit monde réuni sur l’idée d’Elisabeth Moreno, ancienne ministre déléguée à l’Egalité femmes-hommes, aujourd’hui patronne de Ring Capital, qui a “souhaité montrer que les femmes pèsent dans l’économie”.
Et dans le programme ? Paris Influ a sorti sa calculette : malgré une exacte parité des modérateurs (33 hommes, 33 femmes), les ReAix 2025 comptent 92 intervenantes pour… 194 intervenants.
“Ce n’est pas à la hauteur, mais c’est représentatif de la composition des codir”, note Leïla Grison, DG du Women’s Forum (Publicis) depuis un an, fraîchement débarquée hier après-midi. Qui voit aussi là l’effet du business model de l’événement : “Les partenaires envoient comme speaker leur PDG, le plus souvent un homme.”
Certains tournent aussi les yeux vers Jean-Hervé Lorenzi, glissant à demi-mot que le patron n’est pas franchement connu pour son féminisme. Faux, rétorque Moreno, croisée juste avant le déjeuner et habituée des Rencontres, “l’événement le plus paritaire de tous ceux que je fais, surtout quand on compare au niveau européen”, assure celle qui préside aussi la fondation Femmes@numérique.
Le sujet “importe beaucoup pour nous”, revendique une cadre des ReAix, dont plusieurs visiteurs, sondés par votre infolettre, saluent les progrès d’année en année pour la mixité et, au-delà, la diversité du public, avec plusieurs mentions spéciales à l’Agora et au peloton de jeunes de tous horizons conviés cette année.
“Il reste une marge mais ils ont fait de vrais efforts”, estime enfin Aurore Bergé, croisée en fin de journée. La ministre déléguée à l’Egalité appelle les orgas et entreprises à leurs responsabilités. “A force d’entendre que c’est pas pour nous, que c’est inaccessible, on en vient à le penser.”
DÎNER ÉMANCIPÉ. Un premier dîner 100% féminin était d’ailleurs organisé hier soir, à l’hôtel de Gallifet, par le think tank Nemow Lab, qui faisait concurrence à la soirée Engie, une rue plus loin. “The place to be”, selon une participante, captivée, comme d’autres, par l’intervention de l’ambassadrice du Bénin. “Estelle Castres (BlackRock) et Céline Brucker (L’Oréal) devaient filer, elles ne sont jamais parties !”
Velouté de charge mentale. Votre infolettre parie que vous n’aurez pas pensé à un point calendrier, soulevé par quelques participantes : la date des rencontres. Vous dites ? Eh bien, elles coïncident avec le début des vacances scolaires. “Plusieurs de mes contacts, y compris top managers, ne sont pas venues à cause de ça”, assure l’une d’elles. Elles auraient bien les moyens de se payer une baby-sitter, serez-vous tentés de répondre.
Mais en ont-elles seulement envie ?, vous rétorquerait-on dans le cercle des Aixoises. “Il faut avoir atteint un certain niveau pour se le permettre, mais je connais plein de dirigeantes installées qui refusent les invitations le week-end. Faire le compte et réaliser qu’on a passé la moitié de l’année loin de chez soi, ça use”, souligne encore Leïla Grison du Women’s Forum.
OÙ TABLE-RONDER |
Pour bruncher vers 11h… une question costaude avec du lourd autour de la table (Florence Parly, Thierry Breton, Airbus, la direction de l’armement et le BCG) : “Quelle stratégie de défense européenne ?”, animée par notre collègue Marion Solletty.
Pour l’apéro méridien… un menu pas beaucoup plus léger pour “Restaurer la compétitivité européenne”, avec Patrick Pouyanné (TotalEnergies), Thomas Bubberl (Axa), Benoît Bazin (Saint-Gobain) et Clare Woodman (Morgan Stanley). Pour le digestif à 14h30, on vous propose aussi de “Réindustrialiser la France” (on y sera sûrement encore l’année prochaine, à notre humble avis).
Pour le goûter… le “grand témoin” Eric Lombard boira le thé avec Jean-Hervé Lorenzi sur scène. Votre infolettre espère que ça causera budget entre deux gorgées.
Pour le plaisir… notre collègue Océane Herrero fera disserter des pros des robots sur le thème “IA, une nouvelle promesse de productivité”. En attendant qu’elle se réalise, cette édition de Paris Influ a été réalisée à 100% par des humains.
SPOTTED |
L’économiste Esther Duflo, le patron de Lazard Jean-Louis Girodolle ou encore la présidente des Pays-de-la-Loire Christelle Morançais, qui ont défilé pour papoter avec Donald Tang de Shein.
Deux émissaires de l’Elysée, les conseillers Matthieu Landon (entreprises et attractivité) et Clémence Lenoir (macroéconomie).
Jean-François Copé, un habitué, accompagné de l’un de ses fils, François-Xavier.
Sybile Veil, papotant derrière l’amphi 1, insensible au passage du cortège entourant Sébastien Lecornu.
Charles Beigbeder, en mode mannequin, arborant une tenue de la marque Bourrienne (tote-bag compris).
Nicolas Bays, chapeau de paille sur la tête, dans le sillage de sa compagne Agnès Pannier-Runacher, chemise de documents sous le bras avec “dossier ministre”, écrit en police 28.
Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, applaudie par la salle lorsqu’elle réclame des contraintes sur Arcelor ou Renault.
L’ancien député Emmanuel Lacresse tentant d’aborder Marc Ferracci, ministre de l’Energie et de l’industrie.
L’ex-ministre Christophe Castaner et le président de La Poste, Philippe Wahl, croisés à la soirée ESL Rivington&Antidox, rebaptisée Next Step Influence.
Clément Beaune, Marc Ferracci et Garance Pineau partageant une margarita, quelques mètres plus loin, à la soirée Havas.
Difficile de citer la longue liste des présents à la soirée Havas, où il a fallu jouer des coudes pour en lever un. Olivier Véran a pu y trinquer avec Raphaël Schellenberger. Une petite souris de l’agence a rehaussé notre estimation de la veille : l’agence est venue non pas avec 25, mais 32 consultants. L’année prochaine, ils louent un hôtel ?
PERLES |
Trump, cet ex toxique. Echauffée par le discours de Kim Ruhl, conseiller économique de Donald Trump, qui assurait que le président américain voulait “reconstruire une alliance transatlantique durable et pérenne”, l’eurodéputée Aurore Lalucq (Place publique), présente sur le même panel, a rétorqué, excédée : “En amour, j’appellerais ça une relation tout à fait toxique.”
Michel Barnier, gagnant à l’applaudimètre sur le thème “une France irréconciliable ?”, rappelant une poignante évidence : “Cette dissolution insensée, qui conduit pour la première fois le pays à ne pas avoir de majorité depuis 1958, c’est sûr que ça empêche les bonnes décisions d’être prises.”
Arnaud de Puyfontaine de Vivendi se fait surprendre par une question inattendue d’Hedwige Chevrillon à propos de Cnews. “J’ai été “chevrillonnisé !”, a-t-il débriefé dans un sourire.
Un quidam à chapeau rond et chemise imprimée quitte un débat : “Beaucoup de belles paroles : ‘Faut faire ce qu’on dit ?’ Macron, il dit beaucoup d’choses, mais il les fait pas !”
“J’entends rien, je vais me chercher un verre. Pour entendre, il faut boire”, anonyme.
“On n’est pas bien, à tapiner par 40 degrés”, une consultante désabusée.
“C’est les résultats du bac et je n’ai aucune nouvelle de ma fille. Elle est… mystique”, la patronne d’un cabinet d’avocats, accrochée à son portable.
En salle de presse, à 18h30, par 35°C : “C’est un peu tard pour le dire mais je déteste la clim, voilà.” Puis, après une coupure Internet, un journaliste pressé d’illustrer son article : “Laurent ! Où tu trouves les photos ? Je suis en partage de co là.”
Un grand merci à : Alexandre Léchenet, Marion Solletty, Océane Herrero, Nicolas Barré, et à notre éditeur Jason Wiels.