ROME — Giorgia Meloni a enfin l’occasion de démontrer qu’il valait la peine de se lier d’amitié avec le lunatique locataire de la Maison-Blanche.

En déplacement à Washington cette semaine, la Première ministre italienne tentera de convaincre le président américain Donald Trump de ne pas imposer de nouveaux droits de douane qui porteraient un coup sévère à l’économie européenne — et potentiellement mortel pour les exportateurs italiens.

L’implication personnelle de Meloni auprès de Trump a fait grincer des dents d’autres Etats membres de l’UE. Mais alors que le Vieux Continent est confronté à une guerre commerciale potentiellement ruineuse, même ses homologues les plus méfiants commencent à se faire à l’idée qu’elle est peut-être la seule dirigeante européenne qu’il est prêt à écouter.

La leader d’extrême droite est très appréciée du président américain, qui en a fait l’éloge après sa réélection l’année dernière, la qualifiant de “dirigeante et personne fantastique” avant de l’inviter à son investiture en janvier.

Aujourd’hui, l’Union européenne a trois mois pour convaincre Trump de ne pas imposer des droits de douane de 20% sur toutes ses exportations vers les Etats-Unis, après qu’il a suspendu les tarifs “réciproques” qu’il a annoncés le 2 avril. L’UE reste soumise aux taxes planchers de 10% imposées par Trump, auxquelles s’ajoutent celles de 25% sur l’acier, l’aluminium et les automobiles.

Les tentatives précédentes des autres dirigeants européens pour influencer le président — par la flatterie, les menaces ou la promesse d’acheter plus de gaz américain — n’ont abouti à rien.

La visite de Meloni jeudi est l’occasion de démontrer que les Européens peuvent encore faire des affaires avec Trump — à condition de faire preuve du niveau d’obséquiosité approprié.

Un jour seulement après sa rencontre avec Trump, la dirigeante italienne retournera à Rome pour accueillir le vice-président JD Vance dans le cadre d’une visite d’Etat. Lors de sa dernière visite en Europe, en janvier, Vance avait lancé une vaste campagne contre l’Union européenne, accusant ses dirigeants de ne pas respecter la liberté d’expression ou de ne pas mettre un terme à l’immigration illégale.

“Avoir l’oreille de Trump est un atout pour toute l’Union européenne”, soulève un responsable public italien sous couvert d’anonymat, soulignant les “affinités idéologiques de Meloni avec le monde de la droite conservatrice américaine”.

Les actions de Meloni reflètent en partie la terreur de l’Italie à l’idée de perdre ses liens historiquement étroits avec les Etats-Unis, qu’elle considère comme une assurance contre l’axe franco-allemand qui domine les affaires de l’UE. Contrairement à d’autres dirigeants européens, elle pense qu’il est encore possible de raisonner Trump et que ses menaces commerciales ne sont guère plus qu’une tactique de négociation, selon deux responsables publics italiens au fait de la position du gouvernement en matière de politique étrangère.

Meloni veut également montrer qu’elle peut obtenir des concessions de la part de Trump et que “si nous sommes moins hystériques, nous pouvons travailler avec Washington”, juge l’un des responsables publics italiens, reconnaissant que sa crédibilité à Bruxelles est en jeu en cas d’échec.

Avec près de 40 milliards d’euros, l’excédent commercial de l’Italie avec les Etats-Unis est le troisième plus important parmi les pays de l’UE, derrière l’Allemagne et l’Irlande. L’Italie exporte principalement des machines, des produits pharmaceutiques, des véhicules, des articles de mode, des produits alimentaires et des boissons. Il n’est donc pas surprenant que Meloni soit sous pression des exportateurs italiens, qui veulent être épargnés par les droits de douane de Trump.

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Voyage en solo

Certains dirigeants européens, notamment le président français Emmanuel Macron, avertissent que l’objectif de Trump est de diviser les pays de l’UE et de les pousser à négocier des accords bilatéraux avec l’administration américaine.

Pour eux, le voyage de Giorgia Meloni est particulièrement suspect. Il intervient juste après qu’elle s’est discrètement opposée aux plans de réarmement de l’ensemble de l’UE, alors que Trump commençait à retirer son soutien à la défense de l’Ukraine contre la guerre d’agression menée par la Russie depuis trois ans. L’épisode n’a pas été du goût de ses alliés européens.

La semaine dernière, le ministre français de l’Industrie, Marc Ferracci, a eu une réaction épidermique à l’annonce du départ de Giorgia Meloni pour Washington, affirmant que l’Europe devait rester unie. Mais Paris semble s’être calmé depuis et a cessé de critiquer publiquement la mission de l’Italienne. Meloni a déjà pris contact avec Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, pour discuter de son voyage, a indiqué Arianna Podestà, porte-parole de l’exécutif européen.

L’implication directe de la Commission n’ayant pas permis d’éviter la guerre commerciale de Trump, Bruxelles et d’autres pays de l’UE semblent désormais se rallier à l’idée de Meloni.

Ils ne semblent pas particulièrement inquiets à l’idée que Meloni puisse tenter de négocier un accord parallèle qui ne profiterait qu’à l’Italie — un tel manque de solidarité mettrait un énorme point d’interrogation sur l’avenir de l’Italie au sein du marché unique de l’UE. Et ce, parce que c’est une option que Trump lui-même a exclue.

“Il est tout à fait naturel que les Etats membres aient des intérêts bilatéraux qu’ils souhaitent promouvoir et personne ne l’empêchera de le faire”, considère un diplomate d’un autre pays européen. “Mais, lorsqu’il s’agit de droits de douane qui s’appliquent à nous tous, nous sommes convaincus qu’elle s’en tiendra à l’approche adoptée par l’UE.”

Les responsables politiques allemands proches du probable prochain chancelier, Friedrich Merz, sont également optimistes.

“Le voyage de Meloni à Washington en ce moment est un signal important”, a commenté Johann Wadephul, député allemand membre de la CDU de Merz. “La Première ministre italienne a un bon lien avec le président américain Trump, qu’elle peut maintenant mettre au service de l’Europe.”

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Un peu de souplesse ?

Cela ne veut pas dire que l’approche de l’Italie est sans controverse. Depuis des mois, le gouvernement de Meloni demande à l’UE d’adopter une approche plus souple à l’égard de Trump et de ses droits de douane.

Quelques jours seulement après l’investiture du président des Etats-Unis, et avant même qu’il ne lance sa guerre commerciale, le ministre italien des Affaires étrangères, Antonio Tajani, a proposé de l’apaiser en lui offrant d’acheter davantage de produits américains. Tajani, dont les attributions couvrent également le commerce, a été l’un des premiers à exhorter Bruxelles à retarder les mesures de rétorsion contre les droits de douane de 25% sur l’acier et l’aluminium imposés par Trump le 12 mars.

Bien qu’il y ait peu d’espoir que Meloni revienne avec un accord, la Commission et certains pays européens pourraient apprécier son rôle d’éclaireur “pour tâter le terrain et jeter les bases de futures négociations”, décrypte Alberto Rizzi, chargé de mission au Conseil européen pour les relations internationales.

Le commissaire européen au Commerce, Maroš Šefčovič, s’est rendu à Washington lundi pour présenter l’offre de Bruxelles de réduire à zéro les droits de douane sur les produits industriels des deux côtés de l’Atlantique. Mais les alliés de Meloni sont convaincus qu’elle peut obtenir davantage.

“La politique, comme la vie, se construit sur des relations personnelles”, a exposé Marco Scurria, sénateur italien de Fratelli d’Italia, le parti de Meloni. “C’est mieux quand une négociation aussi complexe est menée par deux personnes qui se respectent mutuellement et qui peuvent plus facilement parvenir à un résultat positif — contrairement à von der Leyen.”

Giorgio Leali a coécrit depuis Paris, Ben Munster depuis Rome et Elena Giordano et Giovanna Coi depuis Bruxelles. Julius Brinkmann a contribué à cet article depuis Berlin.

Cet article a d’abord été publié par POLITICO en anglais et a été édité en français par Jean-Christophe Catalon.

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