PARIS — Fin novembre, quelques jours avant d’être censuré, le gouvernement de Michel Barnier a conclu un contract avec GazelEnergie pour le fonctionnement de la centrale thermique de Gardanne (Bouches-du-Rhône).

L’Etat a alors débloqué 800 millions d’euros sur dix ans pour acheter l’électricité produite par la centrale.

POLITICO a appris que ce financement public n’a pas été notifié à la Commission européenne. Selon d’anciens conseillers ministériels, cela aurait dû pourtant être fait. Les mêmes estiment que le gouvernement a sans doute voulu éviter une réponse négative de Bruxelles.

La centrale fonctionnant initialement au charbon a été achetée en 2019 par GazelEnergie, filiale française du groupe énergétique tchèque EPH, appartenant au milliardaire Daniel Křetínský.

Depuis, elle a été reconvertie en partie à la biomasse, principalement du bois. L’entreprise vante un bilan carbone réduit aux trois-quarts par rapport à son fonctionnement au charbon dans une étude d’impact publiée fin avril. GazelEnergie prévoit également une sortie définitive du charbon en 2027.

Un contrat liait l’Etat et le repreneur pour racheter l’électricité qui sortait des turbines, mais il a été dénoncé en 2022, officiellement parce qu’il ne couvrait plus les coûts en hausse de la biomasse. Et aussi, selon des observateurs, pour profiter de prix du marché alors très avantageux.

Depuis, les deux parties essayaient d’en négocier un autre, jusqu’au dénouement de l’automne 2024. Près d’un milliard d’euros a alors été débloqué, alors que la centrale était arrêtée depuis plusieurs mois.

Pas de traitement de faveur ?

“C’est une grande opération d’achat de paix sociale”, nous résume un ancien conseiller ministériel.

La mobilisation syndicale à la centrale de Gardanne a été mouvementée dès l’annonce de la fermeture des centrales à charbon, en 2018, et s’est maintenue depuis. Anne-Laurence Petel, ex-députée macroniste du département, avait par exemple été enfermée deux heures dans un algeco par la CGT pour discuter. D’autres discussions plus tranquilles ont eu lieu par ailleurs, précise-t-elle à POLITICO. Si elle n’a pas suivi le dossier depuis sa défaite, elle se félicite qu’il aboutisse sur un projet pérenne.

Olga Givernet était ministre déléguée à l’Energie du gouvernement Barnier au moment de la signature du nouveau contrat. Elle se réjouit toujours de sa signature : “Je n’ai fait que débloquer l’enveloppe qui était prévue [même s’il] pouvait y avoir certains services à Bercy qui avaient peut-être du mal à lâcher”, expliquait-elle à POLITICO début février.

“Jamais aucun contrat de rachat de l’électricité n’a été notifié”, balaie pourtant Camille Jaffrelo, directrice des affaires publiques de GazelEnergies, estimant qu’il ne s’agit pas d’un nouveau contrat, mais d’un contrat existant. “Il n’y a pas de traitement de faveur pour Gazel”, tranche-t-elle, ajoutant qu’il y a des besoins d’électricité importants aux alentours.

Une analyse qui n’est pas partagée : “Ce n’est pas le même contrat, les conditions économiques ont évolué, les besoins ont évolué…”, analyse l’ancien conseiller ministériel déjà cité. “Il a fallu refaire un contrat from scratch, donc, en toute logique, ça recrée une nouvelle aide d’Etat”, confirme un autre ancien conseiller.

Or, les aides d’Etat doivent en principe recevoir un tampon de Bruxelles.

En outre, la centrale n’est pas indispensable au bon fonctionnement du système électrique, éloignant tout motif impérieux d’intérêt général, ce qui aurait pu justifier que Paris se passe de toute notification, explique le premier ancien conseiller.

Localement, cet oubli fait plus qu’intriguer : “C’est un projet qui a un rendement très faible et l’approvisionnement en bois entre en concurrence avec des projets locaux”, souligne Nathalie Chaudon, présidente de France nature environnement dans la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, mobilisée sur une enquête publique qui porte justement sur cet approvisionnement.

Elle compte d’ailleurs saisir la Commission européenne sur ce volet financier, pour tirer au clair l’affaire.

Sollicités, Matignon et le ministère de l’Industrie et de l’Energie ont refusé de nous répondre.

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