“Il ne sera peut-être jamais le président de l’Europe, mais il peut en être le parrain”, estime un diplomate de l’UE à qui, comme d’autres dans cet article, l’anonymat a été accordé pour pouvoir s’exprimer librement. “La bonne analogie relève plutôt du registre criminel. Nous avons affaire à un chef de mafia qui exerce une influence exorbitante sur les affaires qu’il prétend protéger.”

“Effet Bruxelles”

Il n’y a pas si longtemps, l’UE pouvait se décrire de manière crédible comme un mastodonte du commerce et une “superpuissance réglementaire” capable de se faire respecter grâce à son vaste marché et ses nombreux consommateurs, et à sa portée juridique. Les dirigeants de l’UE se vantaient alors d’un “effet Bruxelles”, qui faisait que des entreprises ou des gouvernements étrangers se pliaient aux normes juridiques européennes, même s’ils n’étaient pas membres de l’Union.

Anthony Gardner, ancien ambassadeur des Etats-Unis auprès de l’UE, se souvient que, à l’époque où Washington négociait un accord commercial avec Bruxelles, connu sous le nom de Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP), dans les années 2010, il considérait l’Europe comme son égal.

“Depuis la création de la CEE (Communauté économique européenne), la position des Etats-Unis était de vouloir une Europe forte”, retrace Anthony Gardner. “Et nous avions de nombreux désaccords avec l’UE, en particulier sur le plan commercial. Mais ce n’est pas par l’intimidation que l’on peut y remédier.”

L’un des signes de l’assurance de l’UE a été sa volonté de s’attaquer aux plus grandes entreprises américaines, comme elle l’a fait en 2001 lorsque la Commission européenne a bloqué le projet d’acquisition de Honeywell par General Electric, pour un montant de 42 milliards de dollars. Ce fut le début de plus d’une décennie de politique de concurrence affirmée, avec des poids lourds en poste, comme l’ancienne commissaire Margrethe Vestager, qui se sont exprimés devant la presse mondiale et ont menacé de démanteler Google, ou de forcer Apple à rembourser la somme exorbitante de 13 milliards d’euros en raison de ses arrangements fiscaux en Irlande.

La situation est bien différente aujourd’hui, quand on voit ce qu’il s’est passé la semaine dernière, lorsque la Commission était censée infliger une amende à Google pour ses pratiques en matière de publicité sur les recherches. La décision a d’abord été retardée à la demande du commissaire européen au Commerce, Maroš Šefčovič, puis rendue publique discrètement via un communiqué de presse et une vidéo explicative le vendredi après-midi dans laquelle n’apparaît pas la commissaire chargée du dossier, Teresa Ribera. (Rien de tout cela n’a empêché Trump d’annoncer dans un post sur Truth Social que son “Administration ne permettra PAS à ces actions discriminatoires de perdurer”.)

Share.
Exit mobile version