PARIS — Le programme économique du RN est “d’extrême gauche”, mais le parti à la flamme n’est pas “la peste”, avait déclaré Laurent Wauquiez, le président du groupe Droite républicaine (DR) à l’Assemblée, en février.
Et comment ! Depuis le début de la 17e législature, il y a bientôt un an, les députés DR ont voté dans l’hémicycle plus de 7 fois sur 10 comme le Rassemblement national, selon un décompte réalisé par POLITICO. Trois députés ont même voté plus de 8 fois sur 10 dans le même sens que le RN : François-Xavier Ceccoli (Haute-Corse), l’ancien ministre Patrick Hetzel (Bas-Rhin) et Anne-Laure Blin (Maine-et-Loire).
Laurent Wauquiez, quant à lui, pointe à la septième place de son groupe, avec 77% de votes similaires à ceux du Rassemblement national. Cette proportion est à ramener à sa faible présence en séance : il n’a voté que 103 fois sur un total de 2 876 scrutins publics analysés, faisant de lui le député le moins assidu de son groupe.
A titre de comparaison, les députés DR ont voté un petit peu moins comme leurs camarades d’Ensemble pour la République (EPR) — 6 fois sur 10 en moyenne. Le groupe macroniste présidé par Gabriel Attal est pourtant membre, comme les groupes DR, Démocrates (MoDem) et Horizons, du “socle commun” sur lequel s’appuie le Premier ministre François Bayrou.
Ces chiffres sont issus d’une analyse de données réalisée par POLITICO à partir des 2 876 scrutins publics depuis le début de la législature (90 votes sur des textes de loi et 2 780 sur des amendements, des articles ou des motions de rejet). Les scrutins publics, demandés lors des débats par les présidents de groupe sur les points qu’ils jugent importants, ne représentent pas la majorité des votes, qui se déroulent la plupart du temps à main levée.
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Des convergences surtout sur les amendements
Ces chiffres doivent se lire à la lumière de plusieurs tendances.
D’une part, le groupe DR, qui ne compte plus que 47 membres depuis les élections législatives tout en étant largement représenté au gouvernement, assume une ligne dure à l’Assemblée sur certains sujets — quitte parfois à être en décalage avec la droite sénatoriale ou… le gouvernement.
Les troupes de Laurent Wauquiez ont ainsi voté en faveur d’un moratoire sur les énergies renouvelables avec le soutien du RN lors de l’examen de la proposition de loi de programmation énergétique, avant de s’abstenir sur le texte dans son intégralité. Droite et extrême droite ont également voté de concert plusieurs dispositions de la loi de simplification de la vie économique, comme la suppression des zones à faibles émissions.
C’est d’ailleurs sur le vote des amendements, qui, bien loin d’être secondaires, permettent de façonner le texte, que l’écart est le plus fort : 70,8% des votes des députés DR sont similaires à ceux du RN, contre 62,6% similaires à EPR. La différence est nette avec les députés EPR, qui, eux, ne votent qu’à 47,8% comme le RN sur les amendements.
Une fois les textes finalisés, le vote final montre davantage de similitudes. Certains textes ont mis d’accord l’hémicycle, d’EPR jusqu’au RN, comme celui sur l’orientation et la souveraineté agricoles, qui intégrait les réponses aux attentes des agriculteurs en colère.
D’autre part, le groupe présidé par Marine Le Pen et devenu le premier en nombre avec 123 députés, tout à son souci de normalisation, n’hésite pas à soutenir parfois l’exécutif — bien qu’il fasse peser la menace d’une censure au moment du prochain budget.
Si le Rassemblement national vote autant de textes issus du socle commun, c’est “pour mieux s’ancrer comme un parti de gouvernement”, analyse un conseiller ministériel.
Plus généralement, de nombreux textes discutés sont adoptés à la quasi-unanimité à l’Assemblée — comme ceux pour la refondation de Mayotte ou pour renforcer la lutte contre le narcotrafic (ce dernier texte est soutenu par le gouvernement, mais écrit par deux sénateurs LR et PS) —, ce qui explique aussi ces forts taux de convergences de vote entre DR, EPR et le RN.
Ainsi, sur les votes sur l’ensemble des textes de loi uniquement, dans 83,1% des cas, les positions des députés DR ont été alignées sur celles des macronistes (en faveur des textes budgétaires, par exemple) et dans 82,7% sur les députés RN (notamment sur le projet de loi de simplification ou sur la réforme du scrutin municipal).
A titre de comparaison, toujours, les députés EPR, eux, ont voté dans 73,5% des cas comme le RN sur les textes de loi.
Oui, et alors ?
Ces statistiques sont assumées par l’entourage du nouveau patron des Républicains, Bruno Retailleau. “Il n’y a rien de pire que de ne pas voter des textes avec lesquels on est d’accord sous prétexte que l’émetteur n’est pas le bon”, nous explique un proche du ministre, estimant que “c’est ce qui a tué la droite dans l’opinion publique”.
Son entourage fait encore valoir que son parti n’a pas voté les motions de censure liées à l’adoption des textes budgétaires, sous-entendant que c’est ce qui détermine l’appartenance ou non à une majorité. “Si LR ne votait pas le budget, là, ça serait un sujet”, argue-t-il encore.
Du côté du gouvernement, en revanche, on tord le nez. “Ça n’aide pas d’avoir une composante de la majorité qui vote autant comme les RN”, soupire le conseiller ministériel déjà cité, qui pointe surtout la faible présence des députés DR lors des débats et des scrutins.
En effet, le député DR ayant participé au plus grand nombre de scrutins publics, Thibault Bazin, pointe à la 173e place. Et 41 des 47 députés élus en 2024 font partie de la moitié des députés les moins assidus au scrutin.
Sarah Paillou a contribué à cet article.